Méfions-nous des eaux dormantes …

Marianne Duvivier puise en son vivier des fulgurances graphiques.
Son univers singulier empli de silence, bruissements ou cris le trait précis d’encre ou de graphite, imprégné d’alchimiques secrets.

Elle trace, inexorablement de l’arbre ses racines et ses veines, de l’oiseau la mélodie du chat ou du chien, l’âme de la femme qu’elle est, le parcours. Tout est récit… entre le taire et le dire, entre terres fécondes et inaccessibles îles, l’artiste interroge et dévoile à vif, et c’est bien là son être, son style, sa puissance.

Bern Wéry, artiste peintre

Sa vie est un roman vrai…

Sauf qu’elle l’a racontée dans une BD : « Heureuse vie, heureux combat ».

Cet album. C’est mon préféré. J’ai adoré. J’écris ce mot et tout de suite, ce n’est pas comme si je le regrettais mais je me dis : peut-on adorer un récit aussi terrible ? Eh bien oui. Parce qu’il est bouleversant. Prenant. Touchant. Violement intime. Et que les personnes qui vivent des trucs (je dis trucs pour ne pas dire drames, épreuves, tragédies) pareils deviennent, pour moi, automatiquement des amis. Que je les connaisse dans la vraie vie, ou pas.

Il se fait que je connais Marianne pour de vrai, on était au lycée ensemble et même si, pendant quelques années, on s’est un peu perdues de vue, je l’ai toujours, alors que les réseaux dits sociaux n’existaient pas encore ou à peine, « suivie ».

Née en 1958 à Kisangani, au Congo alors Belge, elle a aussi vécu à Alger avant de s’établir à Bruxelles. Elle y étudie le dessin aux Beaux-arts, à l’Académie et à St Luc sous la houlette de François Schuiten et Claude Renard. Elle suit une formation en peinture à l’huile à l’Académie d’Ixelles et donc peint, parallèlement à ses BD. Qu’elle publie d’abord chez Glénat avec comme comparse à l’écriture Yan Bucquoy. Ensuite, direction les éditions Delcourt où elle travaille avec Jacques de Pierpont. Paraissent, aux éditions Casterman, 3 tomes de Mauvaise graine en collaboration avec… elle toute seule. Chez Dupuis, elle et Frank Giroud mènent à bien cinq albums dans la collection « Secrets ». Le sixième sera Heureuse vie, heureux combat : sa vie ballotée, bousculée, entravée, malmenée. Stabilisée, restructurée et… recadrée en 112 pages.

Un ami, impossible de faire un tel livre sans que l’autre en soit un, Denis Lapière, l’accompagne sur cet album très personnel qui clôturera la collection. Je ne remercierai jamais assez Marianne d’avoir divulgué les siens, de secrets, parce que, comme le disait si bien Victor Hugo : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. »

L’autrice le fait avec les mots de son scénariste dont le rôle, ici, a été de canaliser la douleur sans pour autant la mettre à distance, permettre au lecteur de l’approcher, avec toute l’empathie qu’un tel récit demande et, selon moi, obtient. Son dessin, tendre, lumineux, presque léger, dont le noir est exclu et où la couleur domine, dit la réconciliation de l’autrice avec la vie.

Corine Jamar, scénariste et écrivaine